Augmentation des prix des denrées alimentaires : une menace récurrente
Selon Olivier de Schutter, rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation de l’ONU dans une interview accordée aujourd’hui au journal Les Echos, l’augmentation récente des prix des denrées alimentaires, en particulier des céréales, pourrait bien annoncer une crise alimentaire semblable à celle connue en 2008, et marquée – est-il besoin de le rappeler ? – par des émeutes de la faim particulièrement violentes. Paradoxe : la crise alimentaire de 2008 n’était pas imputable à une baisse de la production, mais plutôt à une augmentation plus importante de la consommation (en particulier dans les pays émergents comme l’Inde ou la Chine), à une utilisation accrue des céréales pour nourrir le bétail (36% de la production céréalière en 2007 !) ainsi qu’à une flambée de la spéculation sur les matières premières. Aujourd’hui encore, on est loin de se trouver dans une situation de pénurie. Le problème réside en grande partie dans la transmission d’information erronée sur les marchés financiers, qui notamment amplifient considérablement les effets des catastrophes naturelles sur le volume de production (c’est ce qui s’est passé avec les incendies qui ont eu lieu en Russie, ou les fortes pluies au Canada) et font ainsi monter les prix. Ce phénomène est relativement nouveau : depuis 2005-2006, la libéralisation des marchés des produits dérivés aux Etats-Unis a provoqué » un boom de la spéculation sur les matières premières, auparavant régulée par l’intermédiaire des marchés à terme qui assuraient une certaine stabilité des prix.
Le prix des céréales, excellent indice de l’augmentation actuelle des prix des denrées alimentaires parce qu’aliment de base, est révélateur de l’ampleur de la crise : 100 euros la tonne début juillet 2009, 220 euros aujourd’hui et bientôt « peut-être 300 euros » pour Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. L’utilisation croissante des céréales pour la fabrication d’agro-carburants est également mise en cause car elle réduit considérablement la quantité disponible pour l’alimentation. Mais les efforts sont surtout à faire pour soutenir l’agriculture vivrière et les petits producteurs des pays dans une situation d’insécurité alimentaire, et qui pâtissent des investissements réalisés dans les grandes plantations.
Le combat pour la sécurité alimentaire, aujourd’hui très loin d’être gagné puisque plus d’un milliard de personnes souffrent de la faim dans le monde, doit donc se faire sur trois plans : la gestion et la répartition des stocks, la régulation des marchés financiers et des agents spéculant sur le prix des matières premières, et l’aide accordée par la Banque Mondiale et/ou la FAO. Encore faudrait-il s’assurer que les actions de commerce équitable, de solidarité gros producteurs/petits producteurs locaux soient menées à bien, et que les Etats concernés réalisent les investissements nécessaires. Un combat loin d’être gagné donc, mais qu’on ne peut se permettre de perdre.